Alice

Des clapotis sonores, une barque, un rameur, trois jeunes filles. Le rameur se transforme en un balancier de pendule, prend des allures de lapin... Qui sont ces personnages ? Que font-ils ? Dans quel espace-temps sommes-nous ? Il s'agit bien du royaume d'Alice, mais d'une Alice multiple et d'un lieu où toute notion de temps et de réalité devient relative. La compagnie néerlandaise De Stilte traduit en mouvements et en musique ce monde qui s'ouvre (de façon peu commune) sur le poème introductif (peu connu) du conte de Lewis Carroll. Poème dans lequel l'écrivain laisse aller son imagination comme la « barque glisse sur l’onde » et se soumet à l'injonction des voix de sa rêverie : « Un conte ! Un conte !... Il fallait céder aux cruelles ; Que pouvais-je, hélas ! contre trois... »

Voilà donc le commencement des aventures d'Alice et son prolongement chorégraphique. Prenant tour à tour les différents visages d'Alice ou les autres figures (souris, chat, chenille...) qu'elles rencontrent dans ce Pays des Merveilles, un danseur et trois danseuses se lancent dans de folles courses-poursuites pleines d'humour, des solos dansés ou des ensembles rythmés en duos, en trios... Un décor modulable ingénieux recrée l'univers mouvant du rêve : quatre portes, dont une sorte de tourniquet et une autre coulissante, de dimensions différentes, des panneaux qui s'ouvrent ou se replient pour des apparitions-disparitions ou des jeux de cache-cache... Une chorégraphie enlevée et réjouissante qui joue des métamorphoses d'Alice(s) et révèle avec originalité et singularité la fantaisie libre du conte.

La compagnie De Stilte réinterprète ce monument de la littérature sans jamais laisser au bord du chemin son public d'enfants et d'adultes ; à l'inverse le spectacle offre, à l'image de la scénographie, différentes portes d'entrée ou libertés de lecture du texte.

Texte rédigé par Françoise Sabatier-Morel / Journaliste à Télérama