Tamiko Nagaï
Tamiko Nagaï
Une peintre japonaise qui installe son atelier à Trappes, ça interpelle. Le parcours de Tamiko Nagaï, qui expose son travail au conservatoire de musique et de danse, est fait de rencontres. C’est accompagnée d’une traductrice et de son ami l’artiste trappiste Marc Giai-Miniet qu’elle se confie.
Enfant, la peintre Tamiko Nagaï contemple chaque jour les jeux de lumière à la surface du puits de la maison familiale, à Tokyo. Elle observe l’eau qui scintille les jours de beau temps ou son propre reflet quand le ciel est gris. « J’étais spéciale, un peu différente », explique-t-elle. Aujourd’hui, la peintre partage son temps entre sa vie de famille à Tokyo et son atelier trappiste. Elle nous y reçoit, entourées de tableaux, pinceaux, tubes de peinture et objets du quotidien.
L'esquisse d'une passion
A sept ans, Tamiko suit son précepteur en vélo autour de Tokyo. La classe se tient dans de magnifiques paysages. Sa mère encourage ses quatre enfants à découvrir de nouvelles choses, comme la calligraphie japonaise qu’ils pratiquent tous. A l’université, Tamiko choisi la section art de vivre. « C’est là que j’ai commencé à faire du dessin sur chevalet pour la première fois. Et ça m’a fatiguée ! » A l’université, la rencontre avec la peinture à l’huile est un premier choc. Travailler cette matière lui procure une sensation inédite : « c’était comme si j’avais un feu en moi ». A la fin de ses études, Tamiko entre dans un atelier de peinture. « J’y allais en visiteuse, je ne travaillais pas autant que les autres mais ça me plaisait, j’étais bien. Je ne prenais pas au sérieux cette vocation ».
Révélation
Le déclic se produit après son mariage, à 24 ans. Ses professeurs d’université lui conseillent de reprendre la peinture. Elle rencontre Misako Sawamura avec qui elle étudie la peinture pendant vingt ans. Tamiko se présente à la galerie Shiseido, où expose sa professeure, avec les photos de ses œuvres. Elle est acceptée : « J’ai eu de la chance : une artiste a dû annuler sa participation et voulait une artiste femme pour la remplacer. De plus, j’avais assez d’œuvre pour faire l’exposition, déjà programmée ». Tamiko multiplie ensuite les expositions, au Japon et à New York.
En 1998, Tamiko rencontre Hugh Weiss, membre permanent du Comité directeur du Salon de Mai (salon de peinture et sculpture parisien). L’année suivante, elle est exposée au salon parisien. « J’étais devant l’œuvre de Marc Giai-Miniet, très émue, et j’ai demandé : où est cet artiste ? » Il était juste à côté : « Elle était marrante habillée en kimono. Elle ne passait pas inaperçue ! » glisse l’artiste trappiste. Tamiko fait deux autres expositions au Salon de Mai puis demande à Marc de l’aider à trouver un atelier en France, à Trappes. C’est ainsi qu’elle s’installe rue Pierre Brossolette.
L'expressivité de la couleur
La peintre apprécie son cocon trappiste : « A Tokyo, j’ai ma vie de femme mariée, je donne des cours, j’ai beaucoup de choses à faire. C’est important pour un artiste d’avoir du temps pour être seul. Ici je suis dans un calme total, sans famille, sans bruit. C’est important d’avoir l’esprit « kenzen » : sain, pour peindre ». Dans son atelier, elle peint les petits formats. Les grands formats sont réalisés à l’Île de Loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines, où la peintre se rend avec une grande bâche de papier bulle et son pique-nique.
Son exposition joue avec les couleurs. Son travail de recouvrement de figures humaines par la couleur, jusqu’à l’effacement, exprime la fulgurance des émotions. La sensibilité aux couleurs est au centre de son travail : « c’est quelque chose qu’on ne peut ni enseigner ni apprendre, contrairement à la composition d’un tableau ou la technique ». La peintre qui s’efforce de toujours rester fidèle à elle-même le rappelle : pour être peintre professionnelle, il faut aussi de l’aide extérieure. « Beaucoup de gens m’ont soutenue, ça donne les bonnes conditions pour s’exprimer ».
Entretien réalisé en présence de Marc Giai-Miniet, traduction de Yûki Takahata.
Exposition Le mariage des couleurs, du jeudi 7 novembre au lundi 16 décembre, Conservatoire de musique et de danse. Vernissage mardi 12 novembre à 18h45.
Tamiko Nagaï participera également à l’exposition Petits Formats de la Tannerie à Houdan, les 6, 7, 8 13, 14 et 15 décembre. https://www.regardparole.com/page3.html