Grand débat national : des élèves de Trappes ont des propositions à faire !
Grand débat national : des élèves de Trappes ont des propositions à faire !
Dans une classe de CE2-CM2 de Trappes, les élèves jouent chaque semaine au jeu pédagogique L’Arbre à défis. Il leur permet d’aborder la laïcité et les faits religieux de manière laïque, afin de développer un rapport apaisé et réfléchi à ces questions, et de mieux s’imprégner de la notion de laïcité. À l’occasion du Grand débat national, ils ont réfléchi le jeudi 21 février 2019, après la 5ème séance du jeu, à ce que cet outil leur apporte – et à ce qu’il pourrait apporter à d’autres élèves si cette initiative était déployée.
Le fonctionnement du jeu
L’Arbre à défis est un jeu collaboratif et compétitif avec des cartes-défis. Chaque équipe comporte 4 à 5 élèves. Sur chaque carte-défis figure un mot au recto, et au verso des explications sur ce mot. En début de séance, « on nous donne des cartes, il y a des mots et des définitions, et on doit les faire deviner ». Il s’agit là du défi « le mot inconnu » : « il y a des mots interdits. Nous, dans notre équipe, on doit trouver d’autres mots pour donner des indices aux autres équipes pour qu’ils puissent deviner notre mot. La première fois, on lit trois mots, et s’ils le devinent pas, on peut lire trois autres mots ». L’autre principal défi s’appelle « la bonne définition » : « on a un mot aussi, et on doit faire trois définitions, mais il n’y en a qu’une seule de bonne. Le but pour les autres équipes est de trouver la bonne définition ».
Après un temps de préparation des défis en équipe, chaque équipe présente son défi à la classe et « à chaque fois on gagne un point ». Les points se matérialisent sous la forme de feuilles, fruits ou fleurs en papier à la couleur de leur équipe. Les élèves construisent l’arbre exposé sur le mur de la classe, qui rassemble les pièces de toutes les équipes : plus elles gagnent des points, plus l’arbre est coloré et fourni.
Après la réalisation de chaque défi, un temps de débat argumenté en classe entière permet de travailler les objectifs de cet enseignement : distinguer les savoirs des croyances, prendre conscience de la pluralité des convictions et de leur diversité interne, respecter la liberté de conscience des camarades de classe.
Des apprentissages pour s’ouvrir à la différence
En jouant, les élèves acquièrent des connaissances sur les faits religieux, et notamment sur la pluralité des convictions qui existent et ont existé dans le monde : « moi, il y avait des choses que je connaissais pas avant, et que maintenant je connais. Par exemple, l’athéisme ! » s’exclame Anis. On profite de ce témoignage pour faire un petit sondage dans la classe : est-ce que les autres élèves connaissaient déjà cette conviction ? Oui, pour trois d’entre eux ; le reste de la classe l’a découverte en jouant. Les élèves découvrent une diversité qui ne leur était pas familière, comme le révèle le récit qu’Aïda fait de son expérience : « je connaissais pas encore la religion juive, et j’entendais tout le temps « juif » ou « y a des personnes qui sont juifs », sauf que je connaissais pas encore la religion.
Avec L’Arbre à défis, on a parlé des religions, et y avait la religion juive, du coup ça a commencé à m’aider un peu ». Très curieux et enthousiastes d’entendre parler de croyances et cultures nouvelles, les élèves n’en finissent plus de citer les connaissances qu’ils ont acquises sur les convictions abordées à ce stade du jeu : « avec L’Arbre à défis, j’ai appris que dans certaines religions il peut y avoir des jours fériés, par exemple, les juifs c’est le samedi, pour les musulmans c’est le vendredi et pour les chrétiens c’est le dimanche ».
Ces connaissances leur permettent de donner sens à des comportements qui leur semblaient étranges : ils en comprennent l’importance pour certains, compétence nécessaire pour partager du commun, c’est-à-dire non pas simplement vivre côte à côte, mais être en mesure d’échanger à la fois sur leurs points communs et leurs différences.
Partir du concret et objectiver les croyances
Pour être en mesure d’accepter la différence, et même d’être curieux de la différence, encore faut-il que la différence soit incarnée. Les séances de L’Arbre à défis permettent de travailler à partir d’éléments concrets qui interviennent dans le quotidien des enfants. Il s’agit d’aborder des notions dont les élèves entendent parler fréquemment sans qu’ils aient les clés pour les déchiffrer : des croyances, des pratiques ou même des groupes de personnes, comme le terme « juif » évoqué dans le témoignage d'Aïda plus haut.
Cette approche rend plus concrètes les réalités qu’ils sont – et seront – amenés à croiser, et leur donne corps : ainsi, en devenant moins étrangères et lointaines, ces réalités risquent moins d’être l’objet de peur ou de rejet. Au contraire, la curiosité des élèves pour les différences s’en trouvent nourris : « c’est pas parce qu’on est musulman ou chrétien ou juif qu’on n’a pas le droit d’apprendre des choses sur les autres religions ; par exemple si une personne est musulmane elle a le droit d’apprendre des choses sur le christianisme ou les juifs, ou sur “être athée“… ».
Ces propos révèlent que les élèves ont intégré deux choses. D’une part, ils comprennent que les religions et les croyances peuvent faire l’objet d’apprentissage et de discussion ; tout le monde peut parler des convictions des uns et des autres et personne ne peut donc s’ériger en unique connaisseur d’une conviction et confisquer la parole à ce sujet. D’autre part, progressivement, ils apprennent que les croyances relèvent du domaine du « croire », différent de celui du « savoir » : « on confondait des fois savoir et croire ». En jouant à L’Arbre à défis, les élèves sont amenés à parler des croyances en tant que croyances ; ce qui est une manière de les objectiver, c’est-à-dire d’en faire un objet dont on peut s’emparer à l’école, non pas par le biais d’une transmission confessionnelle de croyances spécifiques, mais par le biais d’une acquisition de connaissances sur les croyances et les convictions.
S’approprier le principe de laïcité
Au fil du jeu, à travers ces apprentissages concrets, les élèves font leur la notion de laïcité. Ainsi, quand leur est posée la question « c’est quoi la laïcité ? », les voici qui renchérissent : « c’est des droits ! », s’exclame Zoé ; et Anis de compléter : « ça dit qu’on est tous égaux, qu’on a tous droit d’avoir les mêmes… par exemple, d’apprendre, de faire les mêmes choses… ». Mais qu’est-ce que ça veut dire, au juste, « on est tous égaux » ? « On est tous pareils », tente la petite Sarah. Ah oui ? Vous êtes tous pareils ? Par exemple dans cette classe ? « Noooooon ! » s’exclament les élèves, avant de s’amuser à pointer leurs nombreuses différences : « la peau par exemple », « les cheveux », « les lunettes », « notre âge », « les pays d’origine », « les religions » etc. Ils en concluent alors : sans être tous pareils, « on a tous les mêmes droits ».
Pour les enfants, cette égalité en droit prend avant tout sens dans la fraternité qu’elle permet : pour Zohra, « égalité, ça veut dire que même si on est musulman ou chrétien, on peut être amis ». À son tour, Zakary partage sa compréhension de la laïcité : « ça dit aussi qu’on doit se respecter les uns les autres même si on est différents, même si on n’a pas la même religion, la même couleur de peau, on a tous le droit d’être amis, de jouer ensemble ».
Si les notions d’égalité et de fraternité sont les premières à émerger, le jeu semble leur avoir permis de mieux s’approprier celles de « liberté de conscience », qu’ils associent à la « liberté d’expression » : « la liberté de conscience, c’est de pouvoir penser ce qu’on veut » ; « c’est pouvoir choisir sa religion : c’est pas parce que tes parents ils ont choisi une religion quand t’étais petit que tu peux pas la changer » ; « on peut aussi s’exprimer par rapport à ce qu’on pense ». Zakary précise alors : « On a le droit de dire ‘lui, je l’aime pas’... enfin qu’on n’aime pas une religion, tant que c’est pas quelque chose de très vulgaire, de dangereux ». Lors de ce tour de parole autour de la laïcité, les élèves ont prouvé qu’ils avaient compris et intégré ce principe, dans ses différents aspects.
Un apprentissage laïque des faits religieux... pour tous ?
Alors, à quoi ça sert d’apprendre des choses sur les convictions et sur la laïcité ? Pour les élèves, jouer à L’Arbre à défis permet avant tout de vivre en bonne intelligence : « c’est un jeu qui sert à apprendre et à s’entendre aussi » ; « ça permet de faire apprendre les enfants sur les cultures » ; « on a appris des choses sur l’histoire des religions » ; « on apprend les droits et les devoirs des enfants, et aussi des adultes » ; « on a appris nos différentes façons de penser… parce qu’on n’a pas les mêmes idées à chaque fois ». Et ce dernier point est très important pour eux, parce que « si on se comprend pas, on va pas réussir à communiquer dans la vie ! ».
En repartant de cette conclusion, les élèves ont rédigé un texte de proposition dans le cadre du Grand débat national, qui a été mis en vidéo.